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Le foyer des adolescents, au carrefour des jeunesses : vers l’épanouissement personnel et citoyen

Ils ont entre 11 et 20 ans et sont près de 180 à fréquenter chaque année notre « foyer des adolescents ». Brève halte le temps d’une partie de billard, de ping-pong et d’un match de foot improvisé sur le city stade ou rendez-vous quotidien pour retrouver ses copains après l’école, demande d’aide pour une démarche administrative, professionnelle ou simple besoin d’écoute pour un problème plus personnel, initiation ou développement d’un projet de loisir (de la simple sortie à la mer, au séjour à l’étranger),  aide aux devoirs sur les temps prévus à cet effet, participation à la vie associative du Laü (en aidant par exemple au bon déroulé d’un évènement) ou encore inscription à une sortie proposée ou à un « Atelier jeune »(1), les raisons de venir au foyer sont aussi nombreuses et variées que le sont les jeunes eux-mêmes !

« Le Laü on y vient pour plusieurs choses en fait », nous confie Hafid* 17 ans, dans le cadre d’entretiens réalisés par les animateurs avec les jeunes les plus régulièrement présents. C’est un lieu où on peut « tuer l’ennui ». Plusieurs activités sont proposées, mais on y trouve aussi des personnes qui sont prêtes à nous aider dans tout et n’importe quoi. » «Oui, je me souviens que vous m’aviez bien aidé pour ma recherche de stage. Précise Rachid* 16 ans « Sinon moi je viens surtout retrouver mes amis, autour du billard ou sur le city stade ».

Si le public adhérant au projet du Laü et à ses activités culturelles et sportives est issu de toute l’agglomération paloise, ce n’est pas le cas des jeunes fréquentant notre foyer qui, dans leur majorité, résident dans les quartiers proches ou adjacents. «La MJC du Laü a toujours construit son action éducative à partir d’une analyse du territoire sur lequel elle se trouve, souligne Mathieu Lautier, directeur de la structure. Le foyer est un lieu de passage, au sens propre comme au figuré. De par son emplacement, proche d’une zone commerciale et d’un cinéma, ce lieu est souvent perçu par les jeunes comme une halte sur leur parcours, où ils peuvent se poser et retrouver des copains voire faire de nouvelles rencontres durant ce moment de détente mais aussi solliciter l’aide d’adultes en qui ils ont appris à faire confiance au fil du temps. D’un point de vue plus imagé donc, c’est aussi l’endroit où se met en place notre action éducative. Là où les sociétés traditionnelles pouvaient donner aux rites de passage la fonction d’accession « immédiate » de l’enfance à l’âge adulte, les sociétés modernes font de la jeunesse un temps d’expérimentation à travers lequel se construit un avenir. C’est une période de transition qui reste plutôt considérée comme un temps à travers lequel se prépare de manière progressive l’exercice des futurs rôles professionnels familiaux et/ou citoyens(2). C’est à ce titre que le foyer représente aussi un passage vers le monde adulte et la sphère associative et par là même vers l’épanouissement personnel et citoyen».

 « Capter les jeunes des quartiers avoisinant notre structure est un enjeu primordial pour nous explique Melanie Boullemant, éducatrice et animatrice au sein du foyer depuis maintenant 10 ans, ce qui nécessite une certaine souplesse- ce qui ne veut pas dire laxisme !- du cadre pédagogique mis en place. A la différence d’un centre aéré avec des horaires d’entrée et de sortie stricts (les parents peuvent y laisser leur enfant l’après-midi et venir le récupérer le soir) et une inscription qui peut être « lourde » d’un point de vue administratif, nous fonctionnons sur un principe de libre adhésion. C’est-à-dire que le jeune peut aller et venir à sa guise, pendant nos permanences quotidiennes tout du moins. L’adhésion est facile, rapide et peu couteuse. Un cadre trop rigide à ce niveau fermerait la porte à beaucoup de jeunes, notamment à ceux les plus en difficulté qui – on le voit bien- entretiennent une certaine méfiance envers les institutions publiques. C’est sûr qu’il serait facile de laisser sur le pas de la porte tous ces ados, mais alors mon travail perdrait toute sa raison d’être ! En tant que structure animée par les valeurs de l’Education Populaire, ce serait un non-sens que de laisser sur le bas-côté toute une frange de la jeunesse, a fortiori celle qui en a le plus besoin de notre action éducative ».

« Il y a dans « Education populaire » deux termes tout aussi importants l’un que l’autre rappelle Mathieu. La notion de « populaire » tout d’abord doit être entendue comme une référence au peuple, c’est-à-dire à l’ensemble de la population comprenant notamment ceux qui peuvent être « laissés pour compte du système ». L’utilisation du terme « éducation » affirme quant à lui que celle-ci ne se limite pas au temps de l’école. Avec le développement de la société de loisirs, les mouvements d’Education Populaire réaffirment la place historique particulière qu’ils occupent autour des loisirs éducatifs complémentaires au champ scolaire. »

  Au-delà de l’accueil des jeunes, l’idée du foyer est de poser ses modalités éducatives en fonction du public présent ce qui demande une grande adaptabilité du personnel éducatif, constitués de trois employés, aux formations et compétences à la fois diverses et complémentaires. Le foyer est d’abord ce lieu ouvert en dehors du temps de l’école, où les jeunes peuvent passer un moment de détente. « C’est comme ça que nous captons d’abord nos jeunes explique Mélanie. Ils se familiarisent alors avec le cadre pédagogique posé, fondé sur les principes du vivre et du faire ensemble. A partir de là s’apprend la confiance en soi et en l’autre, l’apprentissage par le faire et l’envie de construire des projets divers et variés, qui peuvent être personnels ou collectifs. Beaucoup de jeunes sont entrés au foyer presque par hasard, pour une partie de babyfoot et en sont ressortis, plus tard avec un projet en construction, qu’il concerne les loisirs, le cursus professionnel ou scolaire ou qu’il soit plus personnel. Nous passons beaucoup de temps à connaître les jeunes avec lesquels nous travaillons et à approfondir notre relation avec eux, leur famille voire leur établissement scolaire. Travailler sa relation avec le jeune sans prendre en compte tous les niveaux de son environnement (ses amis, sa famille son école etc…) ne peut qu’être superficiel. Nous n’avons pas la prétention  de suffire à l’éducation d’un jeune, c’est aussi pourquoi nous travaillons beaucoup avec nos « partenaires éducatifs » que sont  la famille, le collège et les autres structures d’animation, sans oublier les institutions publiques locales qui financent notre projet d’intervention (3). C’est à partir de la relation construite avec le jeune et de l’analyse que nous faisons de ses besoins éducatifs (formulés ou déduits) que nous construisons notre action. Cela demande beaucoup d’observation et de patience. Une relation de confiance ne se tisse pas en un jour, mais c’est une base essentielle pour que notre travail soit efficace. En fonction du public présent, l’activité proposée (qui peut être une simple discussion informelle entre les jeunes et nous) sera différente, car elle prendra en compte tous ces éléments pour être la plus pertinente possible. Notre programme de vacance par exemple peut paraitre construit arbitrairement, en fonction des disponibilités de chacun. En réalité, nous constituons soigneusement les groupes, et l’activité proposée, si elle répond aussi au besoin d’amusement de l’ado, est d’abord un prétexte à notre action éducative. C’est aussi pourquoi le cœur de notre travail peut parfois paraître imperceptible, sur le temps court tout du moins. Mais assister à l’épanouissement d’un ado demande du temps et ça vaut tous les salaires du monde ! »

Mourad, 24 ans a récemment rejoint l’équipe d’animation après avoir lui-même fréquenté le foyer durant son adolescence. Il suit aujourd’hui une formation d’éducateur spécialisé. « C’est vrai qu’en tant qu’ado, le foyer était d’abord pour nous un lieu ressource où l’on venait se détendre et où on pouvait trouver de l’aide pour faire un cv ou bénéficier d’un soutien scolaire par exemple. On ne mesurait pas tout le « travail invisible » des animateurs dont parle Mélanie. Quand on y réfléchit, l’école est essentielle au développement d’un enfant, mais le gros de l’éducation, pris au sens large, se fait en dehors de ses murs, dans la famille, avec les groupes d’amis, ou dans d’autres lieux tels que le foyer de la MJC. Cela dure toute la vie d’ailleurs. Aujourd’hui que je suis passé « de l’autre côté de la barrière », j’ai envie de rendre ce qui m’a été offert ».

 

  • (1): les Atelier jeunes sont une proposition de travail (20 heures sur une semaine pour une rémunération de 90 euros) à l’initative du GIP DSU adressée aux jeunes de 14 à 17ans, dans des domaines variés mais impliquant que le fruit de leur travail soit visibles par eux et le public pour une reconnaissance partagée.
  • (2): Cf. Bernard Roudet, « Qu’est-ce que la jeunesse ? », Après-demain 2012/4 [N°24,NF], p 3-4
  • (3): La ville de Pau bénéficie d’un soutien historique de sa municipalité aux associations. De manière générale, on peut dire que l’action publique a largement soutenu l’intervention sociale, les politiques de la ville ayant en plus permis des modifications majeures du paysage urbain. La M.J.C. du Laü est reconnue pour l’utilité publique de son action et bénéficie à ce titre d’un soutien de plusieurs porteurs majeurs de politiques publiques. La Mairie de Pau conventionne avec la M.J.C. pour définir les modalités de soutien qu’elle lui porte. Il se décline sous forme de prestations indirectes (principalement par la mise à disposition de locaux municipaux) et de subventions. Le Conseil Départemental des Pyrénées Atlantiques délègue à la M.J.C. une mission dite de prévention collective qui se fonde sur le code de l’action sociale et des familles. La Caisse d’allocation familiale, dans le cadre de leur politique d’action sociale en direction du temps libre des enfants et des adolescents, contribue au développement et au fonctionnement des accueils de loisirs, avec pour objectifs de favoriser l’épanouissement des enfants, des adolescents et leur intégration à la société. Enfin, le Contrat Local d’Accompagnement Scolaire, lui aussi inscrit dans la politique d’action sociale de la CAF et financé par les crédits « Politique de la Ville », vide au renforcement de l’égalité des chances des enfants et concourt à la prévention des difficultés des enfants en lien avec la scolarité.

*les prénoms des jeunes ont été changés, par souci de confidentialité.

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