Arts plastiques : éveillez l’artiste qui sommeille en vous

Bien que diplômée des Beaux-arts, Françoise Pothier ne s’imaginait pas enseigner un jour les arts plastiques et encore moins considérer cette activité comme une véritable vocation. Autrefois graphiste chargée de communication au sein d’une agence de publicité, c’est presque par accident, à la suite d’un licenciement économique, qu’elle s’est retrouvée à enseigner la discipline. Une véritable révélation, comme en témoigne son investissement au sein de l’activité au Laü, qu’elle anime depuis près de 15 ans aujourd’hui, à la grande satisfaction de ses élèves. Riche d’une grande diversité d’âge et de profils, le groupe lui reste très souvent fidèle aux fils des 3 années autour desquelles s’articule son cours. Une histoire de rencontre en somme, aux couleurs de l’Educ pop, avec soi-même et les autres.

« Le bout du chemin ne se voit qu’à la fin »

Elle avait juré à l’une de ses amies et ancienne collègue de travail, que jamais au grand jamais elle ne serait professeur de dessin, mais comme le conseille le proverbe : « ne dites jamais : fontaine je ne boirai pas de ton eau », car on ne sait de quoi demain sera fait. « Je me suis retrouvée à donner des cours par défaut, pour l’alimentaire, confie Françoise. Je ne me voyais pas reproduire les cours que j’avais moi-même suivis durant mon cursus aux Beaux-Arts, avec l’académisme et la « rigidité », parfois « castrateur » qui peuvent les caractériser : il y des attendus en terme de façon de faire et de codes esthétiques qui peuvent rebuter et en décourager certains avant même qu’ils n’esquissent une production. J’y suis un peu allé à l’instinct au début, avec cette envie de proposer quelque chose de différent, qui donne envie de se lancer, d’essayer, de lâcher prise. De fil en aiguille j’ai découvert la richesse de ces échanges avec les élèves, qu’ils soient individuels ou passent par le collectif. Il n’y a rien qui ne me ravisse plus que de voir un élève libérer sa créativité au fil des mois, cultiver sa sensibilité artistique se construire petit à petit, artistiquement parlant pour parvenir à exprimer quelque chose de personnel, qui lui appartienne. En fait moi je montre le chemin, j’ouvre des portes, en apportant les savoirs techniques et culturels mais c’est l’élève qui parcourt sa route. Mon travail est de l’accompagner, de l’aiguiller au long de cette route, mais c’est lui qui s’y engage. C’est cela qui donne son sens profond à mon travail et fait que je m’y reconnais pleinement. Je reçois autant que j’investis, c’est-à-dire beaucoup ! »

Entre académisme et spontanéité

S’affranchir d’une certaine rigidité de l’enseignement classique ne signifie pas pour autant laisser aux placards les apprentissages techniques qu’il dispense, bien au contraire ! « Il s’agit de trouver un équilibre, explique Françoise, entre ces apprentissages et un cadre pédagogique souple, adapté au groupe et aux individus. Mon cours est pensé sur un cycle de 3 ans et s’apparente à une « master class » des beaux-arts. L’idée est de prendre le temps de s’essayer à toutes les techniques de dessin connues- que j’ai eu la chance d’étudier en profondeur au cours de mes études- afin d’en comprendre les ressorts et ainsi pouvoir les utiliser au mieux, en choisissant la plus adaptée à un projet de création par exemple. Sérigraphie végétale, coquille d’œuf, dripping (projection de peinture sur la toile, à l’aide d’un pinceau, d’une brosse à dent ou autre, pomme de terre, encre de chine, fusain, ce ne sont que des exemples parmi d’autres, de techniques abordées, traditionnelles ou plus modernes et originales. Je suis assez exigeante avec les élèves car ils méritent cette exigence, de par leur envie et leurs efforts, mais je les laisse se tromper. Faire des « erreurs » est la meilleure façon de comprendre pourquoi on adopte telle ou telle manière de faire. C’est aussi cette connaissance qui permet de s’en s’affranchir, de faire autrement mais par choix, pas par ignorance. Les élèves ne cherchent pas ici une relation hiérarchique de professeur à élève, où ils reproduiraient un attendu très précis, chercheraient à atteindre une performance déterminée, avec plus ou moins de réussite. Ils viennent avec leurs envies et leurs personnalités, leurs propres questionnements et travaille cette matière. Cette démarche pédagogique implique de s’adapter continuellement, à la fois au groupe et à son évolution mais aussi à chaque élève et aux questions et envies qui sont les leurs. Au fil des ans j’évolue donc avec les groupes, chacun agît sur l’autre. C’est vrai pour mon enseignement mais aussi pour les élèves entre eux qui, loin d’être en compétition, s’inspirent les uns des autres. Du coup, chaque nouvelle année est une aventure dont ne connaît pas la fin, et c’est aussi cela qui je crois nous séduit tous.

Apprendre ensemble, l’ébullition créative

L’une des forces des différents groupes suivant l’activité, réside dans la grande diversité des profils qui les composent. « C’est aussi cela qui me séduit dans ce travail, explique Françoise, rencontrer des gens de tout horizon, tout âge, avec des provenances sociales et géographiques différentes qui se réunissent autour d’une même envie et goût pour les arts plastiques et développent leur sensibilité artistique ensemble au fil des cours… Au fil des autres aussi, car en esquissant sa personnalité artistique avec les autres, notre œil se nourrit de leur regard, de leur travail et les différentes sensibilités se font écho. Il n’y a là aucune compétition, il ne s’agit pas d’être le meilleur comme peut parfois l’induire un contexte trop scolaire ou académique, mais de donner le meilleur de soi-même. L’émulation est là mais ressemble plus à une ébullition, où chacun se trouve emporté et soutenu par le courant des autres. Les envies sont différentes, il ne s’agit donc pas de faire mieux que le voisin mais que soi-même au cours précédent, progresser sur sa propre courbe. Cela crée une atmosphère très solidaire où le plaisir créatif est palpable et surtout démultiplié puisque partagé. Les élèves le sentent, il y a une véritable alchimie dans ces cours, où se nouent des amitiés durables et sincères. »

 

Les randos-dessin : marcher à la source de l’inspiration

Depuis quelques années, Françoise propose régulièrement à ses élèves, de participer à des « randos-dessin », un projet initié par l’office du tourisme de Morlaas qu’elle s’est vu proposer d’animer. L’idée est aussi simple que pertinente : sur un thème donné et avec un outil choisi, le groupe (qui est ouvert à tout le monde, pas qu’aux élèves du cours) part en randonnée et s’arrête puiser des modèles d’inspiration dans les paysages de la région. « Cela plaît beaucoup, constate Françoise, et offre de merveilleux moments. Ce sont des séances de 3 heures, où je passe d’élève en élève pour proposer une approche à la fois individuelle, mais aussi marquée par l’ambiance du moment et du groupe. »

Françoise donne régulièrement à voir le travail de ses élèves, dans le cadre d’expositions ou d’évènements, comme ce fut l’an passé le cas, avec la participation à une rencontre durant le festival « Festiv’art ». Le thème « l’arroseur arrosé » impliquait de croquer les autres participants à la manière de miniature avec des visages disproportionnés qui fleuraient la caricature. Je suis très fière du travail de mes élèves, surtout de leur progrès, de les voir petit à petit s’épanouir dans les beaux-arts, acquérir leur style. Encore une fois, c’est un chemin qu’ils parcourent eux, et qui sait jusqu’où il ira ? »