L’ETOILE METISSE : quand l’éducation populaire se donne à voir en percussions
Actualité publiée
le 03 janvier 2019
Fondée en 2005 au Laü par Sylvain Latry, l’association Etoile Métisse est une école de percussions qui, comme l’évoque son nom poétique, propose à ses élèves un apprentissage « à la croisée des chemins », à l’image du parcours musical de son fondateur. Reposant sur une pédagogie tant individuelle que collective, l’enseignement proposé se révèle aussi pertinent que plaisant à suivre. Que l’on s’initie tout juste à la percussion ou que l’on soit un ténor du domaine, c’est avant tout grâce à la solidarité instaurée au sein du groupe et la valorisation que l’on tire de cette intégration que l’on progresse, en contribuant au rayonnement de cette batucada[1] métisse paloise.
La découverte d’une passion pour les percussions et les cultures orales
Fils d’une famille de musiciens et mélomanes, c’est d’abord par la porte du conservatoire et l’académisme inhérent à cet apprentissage que Sylvain Latry s’est initié à la musique, avant de se découvrir une passion pour les arts de la percussion au cours de son adolescence. « C’est la « spontanéité » de la percussion qui m’a alors séduit, par contraste avec le conservatoire où l’enseignement est très scolaire dans sa forme. Cela dit, même si elles sont différentes dans leur conception et leur histoire, les deux approches sont complémentaires et la rigueur reste nécessaire dans chacune d’elle, nous explique-t-il. La percussion fut d’abord pour moi une rencontre, avec un style mais surtout avec les personnes qui le pratiquaient. Etudiant, je suis rentré au C. F. A. T. (Centre de Formation aux Arts Traditionnels), à Bordeaux, un lieu « carrefour » où j’ai eu la chance de rencontrer de véritables maîtres tambours. Ils sont les représentants de différentes cultures où l’oralité tient une place centrale et où rythmes, chants et danses transmettent bien plus qu’un simple folklore.
Cette période fut pour moi une véritable révélation, j’éprouvais une énorme appétence pour tout cet univers musical. Rien qu’en changeant de salle de cours, j’avais l’impression de voyager, de découvrir ces courants musicaux et avec eux, les traditions et cultures qu’ils représentaient. C’est là que j’ai décidé de faire de cette passion mon métier futur ».
S’ensuivent des voyages et stages, notamment au Brésil ou au Sénégal où Sylvain travaille au sein de différentes formations musicales et poursuit son apprentissage des arts de la percussion, auprès de « griots[2] » par exemple.
Etoile métisse, l’école de percussions où tout le monde a sa place
C’est en 2005 que Sylvain fonde l’association Etoile Métisse. Pendant 10 ans, ce fut d’abord un lieu composite, aux multiples ambitions regroupant une salle de répétition de batucada, une résidence d’artistes divers, un lieu d’école de percussions.
Après avoir mis ce projet en pause pendant 2 ans, faute du temps nécessaire au suivi de toutes ces ambitions, Sylvain repense son projet associatif et lui confère sa forme actuelle, à la croisée des différents horizons explorés jusqu’ici. « Cette expérience a été enrichissante, confie-t-il, et en reprenant le projet de 0, j’ai voulu le recentrer autour de l’école de percussions, tout en faisant la synthèse des idées que j’avais expérimentées et que je voulais retrouver dans cette refonte. Aujourd’hui, Etoile Métisse s’est recentrée sur sa primo intention : une école de percussions, forte des expériences passées. Une école associative avec un professeur, un parc de matériel musical, une troupe regroupant le prof et les élèves, des groupes d’amateurs et de professionnels. C’est aussi et surtout une école très accessible, où tout le monde a sa place quel que soit son niveau (il faut cependant être majeur pour la rejoindre), et dont la force réside sur l’approche pédagogique originale qu’elle propose, pensée sur un modèle à la fois collectif et individuel.
« Trois créneaux horaires sont disponibles au sein desquels je répartis l’ensemble des élèves, avec l’idée d’équilibrage entre les niveaux en tête. Elèves débutants et confirmés se retrouvent ainsi dans les mêmes groupes d’apprentissage (constitués de 10 personnes) afin d’entretenir une saine émulation tout en renforçant la solidarité du groupe. C’est très valorisant pour les débutants qui peuvent ainsi s’initier à la scène de rue et aux concerts dès le huitième mois de travail et bénéficier de cette expérience de jeu en groupe avec des percussionnistes confirmés. Mais c’est aussi le cas pour les plus avancés des élèves, avec un niveau professionnel. Outre les bienfaits et surtout le plaisir procuré par ce travail en collectif, cette configuration les place aussi en position de pédagogues. Ce qui pourrait s’apparenter à une contrainte mais qui permet d’asseoir et surtout de mettre en pratique ses connaissances, qu’elles soient académiques ou qu’elles relèvent de l’expérience. Concrètement on s’échange ses astuces, ce qui demande de les préciser, les expliquer, les éprouver, les partager et donc de les réfléchir. Cela crée aussi indéniablement une cohésion dans le groupe qui renforce encore le plaisir de jouer avec les autres et le sentiment d’appartenance à une formation dont on se sent solidaire et qu’on est fier de donner à voir et entendre. C’est très valorisant également. »
Pour permettre à ce travail d’être le plus pertinent, et le plus enrichissant pour tous les élèves quel que soit leur niveau, j’ai ouvert un nouveau créneau de travail dédié à l’initiation, le mercredi de 18h30 à 20 h au Laü.
C’est au bout de quelques mois (8 à 10) que peuvent commencer les répétitions collectives, et l’intégration à la batucada. Concrètement je propose un stage en janvier dédié à la découverte des percussions, à l’issu duquel les intéressés peuvent s’inscrire au créneau en question pour poursuivre l’apprentissage. Après avoir suivi ce temps d’initiation, on les intègre aux rassemblements mensuels : une fois par mois, les élèves des différents groupes se retrouvent pour une répétition générale, à la M.J.C. Berlioz. « C’est l’objectif en toile de fond, c’est l’Etoile métisse ! La batucada vient de la rue, et c’est là qu’elle a sa place, en représentation. C’est aussi la promesse faite à tous les élèves, débutants ou plus avancés, que de participer à ces moments magiques ! ».
L’orchestre de la rue
« Notre batucada est pensée sur une organisation d’orchestration similaire à celle que l’on peut retrouver au sein de formations plus classiques : elle se compose donc de différents pupitres, c’est-à-dire de sous-groupes rythmiques. Je fais en sorte de penser le plus pertinemment possible la composition de ces pupitres, dans lesquels se retrouvent tous les niveaux, de façon à rester sur ce modèle « d’apprentissage horizontal », reposant sur le groupe : entraide et émulation. Pour la rendre complète Il faut accompagner cette dynamique plurielle d’une approche plus individuelle, adaptée aux besoins de chacun. Selon son niveau, on va varier et adapter les partitions, que je prépare personnellement en amont. Il faut aussi mesurer l’équilibre des niveaux au sein de ces groupes de ce travail. Sur un groupe de 20 élèves par exemple, seulement 2 grands débutants sont incorporés.
Tout cela implique un travail préparatoire conséquent. J’enregistre en studio les partitions de chaque élève, et les charge en ligne de façon à les rendre facilement accessibles par chacun. J’utilise différents outils multimédia pour les aider dans leurs progressions respectives. Je compose moi-même les partitions proposées aux élèves, en m’inspirant des différents styles qui ont marqué mon apprentissage et ma progression dans le domaine. L’idée est de proposer un répertoire hétérogène et riche, qui couvre un large spectre créatif, de la tradition à l’electro trad, drum n’ bass et autre influence africano cubaine.
La première année se concentre principalement sur la découverte, la familiarisation et l’apprentissage de deux différents rythmes de carnavals : ceux issus des traditions de Bahia, évoluant entre la Samba et le Reggae et ceux de Rio, qui explorent vraiment la Samba proprement dite.
Lorsque je travaille sur la composition des différents pupitres, j’ai toutes ces questions en tête, ce qui rend ce travail crucial aussi difficile que passionnant. Mais voir ce groupe progresser chaque année, très soudé, tout en accueillant de nouveaux membres est bien la preuve que cette formule est intéressante. »
[1] La batucada est un genre de musique avec des percussions traditionnelles du Brésil dont les formules rythmiques en font un sous-genre de la samba. Par extension, on utilise le mot « batucada », en France, pour désigner un groupe de musiciens pratiquant ce genre musical. La batucada est née à Rio de Janeiro. Source : Wikipedia
[2] Le griot (ou djeli, djéli ou encore jali), aussi appelé barde est une personne qui officie comme communicateur traditionnel en Afrique de l’Ouest. Source : Wikipedia