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Verifake ! L’esprit critique mis en image

Fabriquer de vraies fausses informations, ou « fake news » en vidéo pour mieux en comprendre les ficelles et principes, c’est l’idée mise en œuvre par « Vérifake », une initiative originale s’adressant aux adolescents mais aussi à leurs animateurs ! Financé par le CNC, ce projet est porté par la fédération régionale des MJC en partenariat avec les 3 M.J.C. paloises : Berlioz, les Fleurs et le Laü ainsi que les MJC « Petites Rivières » (Availles en Châtellerault) et « Claude Nougaro » (Montmorillon).  Au-delà de sa forte valeur pédagogique, Verifake œuvre ainsi également à la rencontre d’acteurs et de structures d’éducation populaire du territoire aquitain, autour d’une problématique dont l’actualité n’a de cesse de nous rappeler l’importance. 

Prenant la forme finale d’un concours qui viendra enrichir le festival annuel « Jeunes Talents » (portant cette année sur la thématique de l’image), le projet « Verifake » s’articule autour de 3 temps forts, jalonnant une période de 3 mois. 

 

Faillible moi ? vous n’y pensez pas ! 

 

Le premier temps fort du projet Verifake invite les animateurs qui encadreront les adolescents participants, à suivre une formation d’une journée dédie à l’esprit critique, ses mécanismes et ses écueils. Y sont notamment présentés quelques-uns des principaux pièges dans lesquels peuvent facilement tomber nos cerveaux. 

 » L’erreur commune que nous pouvons faire est de considérer les jeunes comme moins pourvus d’esprit critique et faisant « de facto » n’importe quoi en termes de pratiques numériques, explique Christopher Georges, en charge du projet Vérifake et formateur de cette première journée. En appréhendant ainsi ce phénomène, par le prisme de notre « regard d’adulte », on s’exclut de fait du problème sur lequel on essaye de travailler et faire réfléchir, comme si notre condition d’adulte nous prévenait de toute erreur, en nous conférant un esprit critique hermétique à toute duperies. C’est bien évidemment faux, et c’est d’ailleurs tout l’objet de cette formation. Combien de fois entendons-nous des adultes enjoindre aux ados de vérifier leurs sources ?  Ce n’est pas quelque chose d’inutile, mais il faut arrêter de croire que cette seule conscience suffit à nous protéger… et honnêtement qui vérifie toutes les sources de ce qu’il lit ? La réponse se doit d’être plus complexe pour être pertinente. »

 

Aujourd’hui employé de la fédération régionale des M.J.C. en tant qu’intervenant sur les projets liés à l’éducation à l’image et à l’esprit critique, Christopher a officié pendant plusieurs années en tant que coordinateur des « Promeneurs du net », un groupe d’animateurs chargés de travailler avec les jeunes au sein des espaces numériques qu’ils fréquentent, notamment les réseaux sociaux. « Bien que pertinente dans le fond, cette seule présence sur les réseaux ne suffit pas à répondre pleinement aux nouveaux enjeux qui émergent et s’affirment à mesure que nos pratiques numériques se développent. »   « De façon générale, on peut remarquer que les adultes regardent de loin, avec une certaine distance, les espaces majoritairement investis par les jeunes, tels que les réseaux sociaux, non sans une certaine condescendance d’ailleurs. Il est plus facile de considérer ces espaces dont on ne saisit pas les codes comme étant du « grand n’importe quoi » puisque chasse gardée des jeunes, plutôt que d’essayer d’en comprendre les dynamiques, formes ou principes. Comme dans toutes choses il y a du bon et du mauvais, c’est bien la façon dont on consulte ces réseaux qu’il faut travailler éducativement.

 

Silence ça tourne !   

 

Le deuxième temps du programme Vérifake s’étale sur 3 jours et prend la forme d’un atelier pédagogique animé par un professionnel de l’audiovisuel, au cours duquel les jeunes participants imaginent et réalisent une fake news en vidéo. Au-delà de l’initiation aux mécaniques du montage vidéo et de ses dynamiques, ce passage derrière l’écran, à la réalisation, offre un excellent moyen pour les jeunes de comprendre et mettre en pratiques les ressorts, ficelles et artifices sur lesquels sont construites les fakes news en vidéo : « sensationnalisme, illusions, registres émotionnels, musique angoissante, secret révélé etc… Autant d’ingrédients avec lesquels jouent les participants pour créer leurs propres fakes news !  C’est précisément en jouant et mettant en forme ces pièges de l’esprit que les jeunes réalisent leur film de fake news, une façon originale d’aborder en atelier cette réflexion sur le fonctionnement de ces fausses informations. 

Le dernier temps fort de vérifake, prévu sur une journée, invite à la rencontre les différents groupes participants, au sein d’un cinéma, en l’occurrence le Mélies à Pau. On y diffuse sur toile les réalisations de toutes les équipes de « fakers » avant de leur proposer de « débunker » l’une de ces fakes news, le temps d’une après-midi, en vidéo. Armés d’un téléphone, de leur imagination et d’un esprit critique affuté, les jeunes ont une après-midi pour tourner un «pocket film » (vidéo de format très court, réalisé via la caméra d’un smartphone) pour révéler la supercherie et rétablir la vérité ! Une façon aussi conviviale qu’accessible de travailler sur la créativité et la thématique donnée.  

 

Un sujet des plus sérieux, à travailler de façon apaisée. 

 

« En 2020, les cafouillages de communication du gouvernement sont venus nourrir un climat déjà très anxiogène, dont la récente actualité nous rappelle la teneur souligne Christopher.  A l’heure où les fake news pullulent sur le net où elles sont relayées bien plus vite que les informations fiables (notamment parce qu’elles jouent sur le registre du sensationnel), que les climats sociaux, économiques, politiques ou écologiques de plus en plus anxiogènes se traduisent par un complotisme ambiant toujours plus prégnant et séduisant, l’éducation aux médias et à l’esprit critique apparaît comme un enjeu éducatif majeur ! Mais il est essentiel pour l’appréhender de façon pertinente d’adopter une approche apaisée du problème. Ce qu’il faut comprendre c’est que nous ne sommes pas parfaits mais faillibles, et pouvons facilement nous faire duper aussi. C’est aussi une idée forte de Verifake que d’embarquer ensemble animateurs et adolescents dans un projet mais aussi une réflexion générale qui les implique tous.  A partir de là, on peut changer notre posture pédagogique, avec une approche générale du problème qui nous inclut dans l’équation et conscientise, pour mieux les prévenir, nous failles naturelles. On peut dès lors travailler sur la méthode, de façon apaisée, en sensibilisant les jeunes à ces failles pour mieux les aider à construire leurs propres convictions, de façon réfléchie. »

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